1/ UNE FILLE PAS COMME LES AUTRES
- Leiko Ookami
- 31 juil. 2020
- 3 min de lecture
Summer.
C'est mon prénom. Je suis une jeune coréenne âgée de vingt-et-un ans et en recherche d'emploi. J'ai actuellement plus de cent trente-quatre millions de followers sur Instagram et Twitter. Pourquoi ? Mes yeux.
Je suis une coréenne qui a les yeux bleus. Sur Internet, je suis connue sous le nom de Lee Hee Yeon, c'est mon nom coréen. Mon père était coréen mais ma mère était anglaise alors elle a insisté pour m'appeler Summer. Pourquoi "étaient" ? Parce qu'ils sont morts.
Suite à leurs décès, j'ai été placée dans un orphelinat.
Je n'étais pas comme les autres enfants. Les enfants de mon âge disaient que j'étais bizarre. Alors, j'ai appris à vivre seule.
J'ai décidé de recommencer ma vie à zéro et de tout oublier. Tout se passait bien, je me faisais appeler Lee Hee Yeon, j'avais des amis, un copain... Jusqu'à ce qu'elle revienne me hanter.
Le soir de mes quatorze ans, elle est revenue. Elle m'a forcé à lui parler, alors je lui ai répondu. Mais je ne savais pas que ça pouvait finir comme ça. Ils m'ont lâché, mes amis et mon copain. Ils ont appelé cet hôpital et m'ont enfermée à l'intérieur.
"Folle".
C'est ce qu'ils ont dit de moi aux médecins, ce jour-là.
J'étais enfermée dans cette pièce, seule, attachée. Mais elle n'arrêtait pas de me parler. Des caméras m'ont filmées. Je hurlais. Je pleurais. Alors ils m'ont gardé dans cet endroit deux ans de plus. J'ai tout fait pour la faire partir, me laisser tranquille.
J'ai commencé par la supplier. Elle continuait. Et c'est ce jour où j'ai compris que...
La seule façon de la faire partir était de mourir.
Mais, je ne pouvais pas mourir. J'étais attachée, dans une pièce sans aucunes couleurs ou objet. J'étais isolée. J'ai alors décidé de faire semblant. Je ne lui répondais plus. Les médecins m'ont alors relâchée à la fin de ma deuxième année. J'étais libre. Du moins presque. Elle, elle était toujours là. Elle me faisait souffrir un peu plus chaque seconde.
Je voulais vivre une belle vie. Je voulais avoir un bon métier, un mari, des enfants, des animaux de compagnie...
Donc j'ai décidé que si je devais souffrir, elle devait souffrir avec moi.
J'ai pris ce cutter. Je l'ai admiré pendant plusieurs minutes, le sourire aux lèvres. J'allais enfin pouvoir être libre. Je commençais avec de simples points de sang sur mes bras. Mais ce n'était pas suffisant. Alors j'ai continué. Je prenais du plaisir à souffrir. Je l'entendais me supplier d'arrêter.
Mais je continuais.
S'en était devenu satisfaisant. Je me sentais bien, malgré la douleur. Elle résistait, disant qu'elle ne me laisserait jamais tomber. Elle m'aimait mais moi, je la détestais.
Depuis mon plus jeune âge, elle me hantait. Mais elle ne me faisait pas souffrir. Elle m'aidait à m'endormir, me donnait des conseils. Je l'aimais. Du jour au lendemain, elle a commencé à devenir de plus en plus présente. Elle devenait méchante, elle commençait à me faire souffrir.
Mais j'étais loin de savoir qu'elle continuerait.
Elle me forçait à être Summer. La fille isolée, folle, sans émotions. Mais c'est ce jour, le jour où j'ai compris que le cutter était ma seule issue pour survivre à ce cauchemar, que je commençais à me sentir moi-même. À me sentir Lee Hee Yeon.
Je savais que me blesser la blessait, elle aussi. Alors j'ai oublié ma douleur et j'ai continué pour réussir à sortir de ce cauchemar interminable. Je ne parlais à personne, je n'avais plus de vie sociale. Mais je me disais que quelques années de souffrance et de solitude valaient mieux que le bonheur mais de pourrir de l'intérieur.
Elle a tout fait pour me faire craquer mais je résistais. Je savais que la fin était proche. Cela a duré deux ans. Plus les mois passaient, plus je la sentais partir...
L'âme de celle qui m'a mise au monde.


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